Entorse du genou avec lésion du ligament croisé antérieur: faut-il opérer?
La réparation d’un ligament croisé antérieur rompu n’est pas une obligation. Elle n’est pas systématiquement proposée. Le choix de le reconstruire est une décision prise par le patient, en concertation avec l’orthopédiste consulté. Il convient pour cela de connaître l’évolution d’un genou sans ligament croisé antérieur et les risques et suites d’une intervention.
Le genou est une articulation maintenue par des ligaments.
Lorsqu’une entorse survient, ceux-ci peuvent être abimés (élongation, déchirure).
Plusieurs types d’accidents, la plupart sportifs, peuvent entrainer une lésion du ligament croisé antérieur : réception de saut, changement de direction pied bloqué, hyperextension lors d’un shoot.
D’autres atteintes de ligaments peuvent être associées. Certaines peuvent cicatriser comme le ligament latéral interne.
Un examen clinique et radiographique pour éliminer toute fracture permettent de guider le traitement initial.
Le bilan lésionnel précis n’est pas toujours établi avec certitude, du fait de l’épanchement articulaire et des douleurs. C’est pour cette raison qu’un nouvel examen à distance est souvent proposé et qu’un complément d’examen par IRM est ensuite demandé.
Evolution naturelle d’un LCA rompu
Les éléments lésés n’ont pas tous le même potentiel de cicatrisation. Le ligament croisé antérieur ne cicatrise pas. Parfois cependant il peut se fixer contre le ligament croisé postérieur.
Les autres éléments restés intacts sont plus sollicités, pouvant aboutir à leur tour à une lésion :
- d’un ménisque : 20% de risque d’atteinte d’un ménisque un an après, 60% cinq à dix ans après le traumatisme. Un ménisque est comme un amortisseur pour le genou, participant à sa stabilité et à l’absorption des contraintes, à la façon des amortisseurs d’une voiture par exemple.
- du cartilage, c’est à dire du revêtement des surfaces de glissement. Cela aboutit à de l’arthrose du genou et a été mis en évidence par plusieurs études : environ 70 % entre 14 et 30 ans
Ces données doivent être interprétées avec précaution. En effet ces études comportent beaucoup de biais. Par exemple les patients suivis sont ceux pour lesquels la rupture du ligament croisé a été diagnostiquée, donc ceux qui vont bien et n’ont pas consulté ne sont pas pris en compte. De même il est difficile de préciser le début d’une arthrose : est-ce l’apparition des premiers signes radiographiques ou lors d’une arthroscopie? Les premières douleurs d’arthrose ? La reprise d’un traitement ? La pose d’une prothèse ?
Quand opérer?
Toutes les lésions du ligament croisé antérieur ne sont pas opérées.
Le premier traitement est basé sur le renforcement musculaire. Ce travail initialement prescrit ne suffit pas toujours à stabiliser le genou. Cela peut se manifester par une sensation d’insécurité ou de véritables dérobements lors des mouvements de rotation.
C’est alors qu’une intervention de ligamentoplastie du ligament croisé antérieur du genou peut être proposée.
Dans ce cas il a pu être montré que celle-ci ralentissait l’évolution dégénérative du genou. Plus le délai entre l’accident et l’intervention de stabilisation est long, plus les lésions associées sont présentes.
Donc à l’issue de la rééducation :
- Si le genou reste stable et permet la reprise sportive une chirurgie ne sera pas systématiquement proposée.
- S’il persiste des dérobements et/ou une insécurité du genou une stabilisation chirurgicale peut être envisagée. Dans ce cas la rééducation aura permis de préparer ce genou à mieux récupérer après l’intervention, il n’y a donc pas de perte de temps à bien réaliser ce premier traitement.
Certains éléments modulent cette attitude :
- une lésion méniscale associée peut être un argument pour opérer lorsque cette lésion est symptomatique. On sait qu’il existe une lésion méniscale dans 20 à 60% des cas selon les études ce qui est une appréciation variable, et que le potentiel de cicatrisation est important, évalué jusqu’à 70% pour un certain type de lésion.
- le jeune âge est également un facteur déterminant en faveur d’une intervention. De même un âge plus avancé sera un frein à une intervention, du fait des risques de raideur et douleurs séquellaires plus important.
Cette intervention est recommandée par la Haute Autorité de Santé (HAS) pour les patients jeunes ayant une activité sportive de pivot ou professionnelle à risque, ou lors d’une instabilité fonctionnelle quel que soit l’âge, ou encore chez le jeune sportif avec un genou laxe.
Chirurgie – Reconstruction du Ligament Croisé Antérieur ou Ligamentoplastie
Il y a plusieurs techniques de ligamentoplasties du croisé antérieur. Aucune technique de reconstruction n’a, à ce jour, démontré qu’elle était supérieure aux autres en termes de contrôle de la stabilité du genou.
Le choix entre ces différentes techniques repose sur les inconvénients propres à chaque type d’intervention en lien avec les activités sportives/professionnelles des patients, et leur souhait après l’information délivrée lors des échanges en consultation.
L’intervention est réalisée en ambulatoire dans la majorité des cas: vous retournez à domicile le jour même de l’intervention. La durée de la chirurgie est de 30 à 45 minutes.
En fonction des lésions constatées, une immobilisation par attelle du genou est posée ou non. L’appui est autorisé sans délai.
- La technique de greffe courte : technique DT4
Le principe est de ne prélever qu’un seul tendon ischio-jambier pour reconstruire le LCA.
Ce tendon sera plicaturé en 4 ce qui lui assure un large diamètre. Il est ensuite fixé par un système sans vis ce qui lui assure un contact total à 360° dans l’os et donc une plus grande surface d’attache.
Les tunnels créés dans l’os sont courts, ne communiquent pas avec l’extérieur ce qui préserve le stock osseux, diminue le risque de saignement. Ce tendon va au fil du temps devenir le nouveau ligament croisé antérieur. Cette chirurgie est effectuée sous arthroscopie (avec une caméra et de petites incisions) sous anesthésie générale ou loco-régionale.
Parfois, l’on y associe un renfort latéral pour stabiliser le genou par l’extérieur de l’articulation. On utilise en général une bande de tissu fibreux sur la partie externe du genou, le fascia lata.
Ligamentoplastie DT4
- La ligamentoplastie au tendon rotulien ou Kenneth-Jones (KJ)
Le principe de l’intervention consiste à utiliser une partie du tendon rotulien avec ses attaches osseuses. C’est la plastie ligamentaire au tendon rotulien (Kenneth Jones). Ce tendon va au fil du temps devenir le nouveau ligament croisé antérieur. Cette chirurgie est effectuée majoritairement sous arthroscopie (avec une caméra et de petites incisions) sous anesthésie générale ou loco-régionale.
- Ligamentoplastie au fascia lata selon Macintosh modifiée par Jaeger
Le fascia lata, bande de tissu fibreux à la partie externe du genou, peut être utilisé comme greffe de ligamentoplastie. La bandelette prélevée est assez large pour assurer assez de résistance. Cette chirurgie est effectuée majoritairement sous arthroscopie (avec une caméra et de petites incisions) ; seule la zone de prélèvement du fascia lata nécessite un abord conventionnel « à ciel ouvert ».
L’arthroscopie du genou permet de faire le bilan lésionnel du genou et de traiter les lésions associées : évacuation du sang de l’articulation (hémarthrose), suture méniscale ou exérèse du ménisque en cas de lésion, recherche de lésions cartilagineuse.
Récupération après ligamentoplastie
Les activités sportives sont reprises progressivement : natation et vélo à 6 semaines ; course à pied sur terrain plat à 3 mois puis sur terrain irrégulier à 4 mois. Les sport pivot (foot, basket, tennis, volley ball etc…) ne sont repris qu’entre 6 à 9 mois post opératoires.
L’arrêt de travail est de 2 à 3 mois.
Pour guider la phase de réathlétisation, un bilan isocinétique est effectué à 4-6 mois post opératoire à la recherche de déséquilibres musculaires.
Le délai de reprise du travail est également variable selon les contraintes de l’exercice professionnel : entre 1 et 3 mois, parfois plus selon les activités demandées.
La ligamentoplastie du croisé antérieur du genou est une chirurgie efficace, permettant le retour à une stabilité du genou. Le taux de satisfaction est supérieur à 90%.